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Le Mont Blanc de 4710 mètres
du 09/06/2005 au 11/06/2005
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Le but de ce témoignage est d'apporter un retour sur une expérience difficile en montagne. Je vais essayer de vous transmettre ce que j'ai ressenti au fil des événements de cette histoire.
C'est l'histoire d'un raid dont le but est d'atteindre le sommet du Mont Blanc.
J'ai été invité à participer à ce raid par un ami de Marseille ; plusieurs personnes que je ne connaissais pas faisaient partie de cette aventure. Nous nous sommes très bien entendus, l'ambiance était excellente, j'ai passé de supers moments.
Seulement, l'histoire ne c'est pas très bien finie, l'issue aurait même pue être tragique. Nous sommes tous responsables.
Une petite virée entre potes : "Et si on allait faire le Mont Blanc ?".
L'ensemble des personnes du groupe habite le sud de la France, elles se connaissent depuis très longtemps, sauf moi. On les appellera les Marseillais. On m'a invité parce que j'avais organisé l'année passée un raid en Vanoise, les personnes qui faisaient partie de cette aventure voulaient me renvoyer l'ascenseur. J'ai trouvé l'idée extra. Etant un peu à l'écart géographiquement, je n'ai pas pris part à l'organisation de ce raid : çà aurait certainement dû être mon rôle de m'investir un peu plus.
Perso, je marche régulièrement en moyenne montagne, j'ai organisé plusieurs randonnées sur plusieurs jours, je fais beaucoup de ski de randonnée, j'ai fait un peu d'escalade, j'ai une bonne condition physique et une grande résistance pour les longues courses. Mes expériences en haute montagne restent limitées : le Grand Paradis, le Dôme des Ecrins, les glaciers de la Vanoise à skis. Dans ses courses de haute montagne, j'étais toujours accompagné et guidé par mon mentor de la montagne. Nous n'avons jamais pris de risques inconsidérés et nous avons à plusieurs reprises décidé de faire demi-tour ou de ne pas partir.
La voie normale du Mont Blanc est une course réputée facile techniquement, c'est pour cette raison que des milliers d'alpinistes d'un Week-End s'y aventurent, on peut lire que les seules difficultés sont la longueur de la course (Nid d'aigle 2300m -> Mont Blanc 4810m) et l'effet de l'altitude.
Afin d'éviter la foule, l'autoroute pour alpinistes d'un Week-end, nous décidons de partir pour l'aventure juste avant l'arrivée du gros des troupes. Le refuge du Goûter (3800m, concentration principale des alpinistes) ouvre le 10 juin. Nous décidons de partir le 9 juin et faire le Mont Blanc par le refuge de Tête Rousse (600m plus bas que le refuge du Goûter).
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Le programme : 3400 mètres de montée en 3 jours |
Le programme prévu est le suivant :
Départ du Nid d'aigle (2300m) le 9 juin pour le refuge de tête rousse (3200m).
Ascension du Mont Blanc (4810m) le 10 juin.
On apprend 2 jours avant de partir que le tramway qui mène de la vallée au nid d'aigles ouvre la saison seulement le 11 juin... Pas de problème, ça passera quand même.
Bon, çà fait quand même 1800m + 1600m en 2 jours, c'est de la folie. Je propose de faire une nuit de plus au refuge de Tête Rousse pour se faire une journée d'acclimatation à 3200m. Je suis surpris que de tels dénivelés ne leur fasse pas peur !
Aucune liste de matériel, aucun véritable topo n'est prévu dans l'organisation. Ca me surprend un peu, je me dis que de toutes manières il y aura quand même du monde devant nous lors de l'ascension pour nous orienter, je prends les listes que l'on utilisait dans les autres courses avec mes potes de Grenoble : Crampons, piolet, casque, baudrier... Je me rassure : un BE d'escalade fait partie de l'équipe, c'est bon pour les manip' de cordes.
Mon rôle est ambiguë : je ne fais pas partie de l'organisation parce que l'on m'invite, pourtant je sens qu'il faut quelqu'un qui guide les choses. Ce n'est pas a moi de prendre ce rôle.
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1er jour : De la vallée au refuge de Tête Rousse |
Jeudi 9, 07H30 : Nous voilà partis les 6 de Grenoble. 2 voitures, dont la mienne... ce n'était pas prévu, mais bon, une petite faille dans l'organisation, c'est pas grave. On prend l'autoroute ou pas ? On le fait au feeling... on sort quand même à Annecy pour se mettre d'accords ! Ce n'est pas grave, on a le temps, il fait grand beau. Sur la route, j'apprends que le BE d'escalade n'a pas peu venir. Merde alors.
Jeudi 9, 09H30 : Arrivés à St Gervais, on est obligé de passer au supermarché pour faire des courses de bouffe ("y a combien de repas au fait ?"), j'oblige également un pote à acheter des vraies lunettes de glacier. On discute longuement avec la Pharmacienne sur les médicaments à prendre en haute montagne... Je suis quand même un peu agacé : mon sac est fin près depuis hier soir et l'heure tourne.
Jeudi 9, 12H00 : Nous voilà enfin prêts ! 1800m de dénivelé nous attendent... On n'a pas profité du beau temps de la matinée et on commence en pleine chaleur. D'habitude on part quand même plus tôt, ce n'est pas grave, mais ça m'agace. On part du parking (1400m) en bas du col de Voza, on longe le chemin de fer jusqu'au nid d'aigle (2300m).
Jeudi 9, 14H30 : Petite bouffe. Un des marseillais a déjà des ampoules dans ces chaussures flambantes neuves ! Nous voilà repartis dans les nuages qui ont inondé la vallée, ce n'est pas forcément évident de se retrouver... heureusement que l'altimètre est là pour nous dire quand chercher les bifurcations... Deux groupes se distinguent dans cette montée : ceux qui avancent et ceux qui en bavent. Mais c'est la bonne ambiance, ça chambre, on se marre bien.
Jeudi 9, 17H30 : Arrivée au refuge de Tête Rousse. Une tendinite au genou c'est déclaré. Le gardien me demande si on s'est perdu. On entend dire que le gardien du refuge du Goûter est déjà là et que l'on peut y dormir... On décide sagement d'y monter le lendemain afin de couper en 2 la distance qui nous sépare du Mont Blanc.
Jeudi 9, 20H00 : Tout le monde au lit. J'ai passé un bon moment à discuter avec un marseillais : musique, eurockéennes, electro... J'apprends au passage que c'est sa première nuit en refuge, que c'est la première fois qu'il met des crampons, qu'il a loué son matériel et qu'il n'est pas le seul. Je commence à penser qu'il faut quelqu'un pour les encadrer, je ne connais pas suffisamment la haute montagne pour prendre ce rôle.
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2ème jour : Montée au refuge du Goûter |
Vendredi 10, 8H00 : Levé, préparation en douceur. Le gardien est surpris qu'il n'y ait pas de licence CAF dans le groupe, ma licence FFME ne fonctionne pas... D'habitude toujours, à la traîne quand on se prépare avec mes potes de Grenoble, je suis le premier prêt. Un pote croit que je blague quand je lui montre le refuge du Goûter (3800m) en face de nous : c'est vrai que le montée abrupte est impressionnante !
Vendredi 10, 10H00 : Nous voilà partis... à l'approche de la traversée du grand couloir, l'absence d'un meneur apparaît clairement : on s'encorde, on ne s'encorde pas, qui avec qui ? Je prends un rôle dont je n'ai pas l'habitude et je décide de la cordée. Je prends une responsabilité que je ne devrais pas prendre : je sais que je n'ai pas suffisamment de connaissances de la haute montagne, des manipulations de cordes? pourtant je prends ce rôle. La progression dans l'éperon en dessous du refuge du Goûter est difficile.
Vendredi 10, 13H30 : On est 2 à arriver en même temps en haut (3800m), on attend les autres. La tendinite se fait sentir de plus en plus, il a du mal à marcher. On apprécie le fait d'être arriver avant le flot d'alpinistes : on est 15 à dormir au Goûter (refuge prévu pour 100 personnes et qui accueille parfois plus de 200 personnes en haute saison :). Le temps est magnifique, le cadre est féerique. On est content d'être là ! Comme hier, une mer de nuage inonde la vallée, on a une superbe vue d'avion !
Vendredi 10, 19H00 : Pendant la journée, en discutant avec les alpinistes que l'on a croisés, on a appris qu'il y avait eu beaucoup de vent. Le vent se lève avec le soleil ; Il faut partir tôt afin d'arriver au sommet avant que le vent commence son travail. Comme les autres personnes du refuge on prévoit se lever à minuit pour partir vers une heure du matin. Personne n'interdit au marseillais à la tendinite de partir demain ; la responsabilité de guide que j'ai pris dans la journée, je ne l'assume pas jusqu'au bout. J'aurais du lui dire de ne pas partir avec nous le lendemain, que d'être arrivé jusque là était déjà très bien? Je n'en n'ai pas le courage.
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3ème jour : Tentative du Mont Blanc |
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Samedi 11, 00H00 : Levé, on a dormi en moyenne 1 heure... Je dis à un copain qu'il faut laisser partir un des autres groupes devant afin que la trace soit faite... Je m'aperçois que les autres groupes on des broches à glace et des sangles pour faire un moufflage ; je me dis que de toutes manières, il n'y a pas de crevasses sur ce dôme et que ce matériel n'est pas forcément indispensable. On a l'impression que tout le monde attend tout le monde...
Samedi 11, 01H00 : On part en premier, je fais la trace, il fait nuit, on s'engage sur le dôme du Goûter (4300m), on est encordé comme hier. On n'aurait pas du partir en premier, mais l'excitation a pris le pas sur la raison. Je suis les traces des quelques alpinistes qui ont fait le Mont Blanc les jours derniers. Ce n'est pas évident de trouver son chemin. On progresse doucement.
Samedi 11, 02H00 : L'effet de l'altitude se fait sentir, le c?ur bat très fort, malgré le rythme lent on me demande plusieurs fois d'aller moins vite. La tension monte, on sait que l'on est en haute montagne. On insiste lourdement sur les réflexes à avoir en cas de chute : se coucher le ventre contre le sol les crampons plantés en bas, le piolet planté en haut dans le sol.
Samedi 11, 03H30 : On redescend du dôme du Goûter, et on prend la direction du refuge de fortune du Vallot (4362m). Ca grimpe raide, on arrive sur une partie gelée, on zigzague pour affronter la côte. On me demande si c'est bien là que l'on doit monter... ben il me semble... Puis on entend un cri, on entend une glissade, puis 2 puis 3 trois : la deuxième cordée vient de descendre 100 mètres ! On entend les autres dire que c'est fini pour eux, qu'ils rentrent. On en entend un qui crie, de rage, pas de douleur (je le saurai après). La première cordée est pétrifiée, on n'ose plus bouger. Un couple nous double à 2 mètres au-dessus de nous : on était bien sur la bonne voie. On voit les 3 lumières de la première cordée progresser vers le dôme du Goûter pour retourner au refuge : ouf, rien de trop grave, ils peuvent marcher. On se trouve à 50 mètres de distance du refuge du Vallot, la progression est interminable, on doute de tous nos pas, on n'est plus lucide.
Samedi 11, 04H30 : Après une pause vers le refuge du Vallot, on reprend nos esprits, on est plus calme, lucide. On décide de continuer : il faut suivre la voie indiquée par le couple qui nous a doublés tout à l'heure. Ils ont le pas assurés, nous ne l'avons pas, on aurait du rentrer tranquillement. On s'engage sur la grande bosse. On est obligé de s'arrêter très souvent pour qu'un des compagnons de cordée reprenne son souffle, on est quand même à 4500 mètres d'altitude !
Samedi 11, 06H00 : On passe les crêtes, puis on s'engage sur la petite bosse, c'est la dernière difficulté avant le Mont Blanc ! Je perds la trace du couple... On les voit ensuite qui redescendent du sommet, ils progressent très doucement... Plein de choses défile dans ma tête, je doute, je chope la frousse, trop de petits détails pendant ces 2 jours m'ont mis le doute, la chute de la 2ème cordée, celui qui me suit vient de trébucher sur du plat... On rentre ! Je regarde mon altimètre, on est à 4710m, à 100 mètres d'altitude du sommet. Tans pis, on s'en fout du Mont Blanc.
Samedi 11, 06H30 : J'essaye de ne pas trop le montrer à mes compagnons de cordée, mais je suis mort de trouille. On repasse les crêtes, on repasse au niveau de la chute de la deuxième cordée. On se refait une trouille sur le dôme du Goûter...
Samedi 11, 09H00 : Retour enfin au refuge du Goûter. L'hélicoptère du PGHM ne va pas tardé à arriver pour emmener nos potes à l'hôpital de Chamonix : une main brûlée, des foulures, ils ne peuvent pas redescendre comme ça. On apprend qu'à l'endroit où la deuxième cordée est tombée, se sera un véritable escalier de glace quand les milliers d'alpinistes seront passés... On nous dit également que se n'est pas un endroit dangereux quand on sait cramponner. Le couple nous dit que l'on a bien fait de retourner à l'endroit où on l'a fait : ils ne faisaient pas les malins à la redescente.
Samedi 11, 10H00 : Pas le temps de chômer pour nous : il faut aller prendre le train au nid d'aigle avant 16H30. La descente est extrêmement longue, épuisante... j'ai le temps de réfléchir aux événements qui viennent de se passer. On croise la foule d'alpinistes d'un Week-End...
Samedi 11, 15H30 : On réussit à chopper le tram ! Les papy mamy qui étaient à coté de nous s'en souviennent : après 12H de marche et une course finale dans le pierrier... on ne sent pas la rose !
Samedi 11, 16H30 : Nous voilà enfin arrivés à la voiture. Un des marseillais découvre des cloques sur ces doigts de pieds... je n'ai jamais vu des pieds dans cet état là ! Direction, les urgences de l'hôpital de Chamonix, tient ça me dit quelque chose ;). On t'avait bien dit qu'elles étaient pourries tes chaussures !
Samedi 11, 19H00 : Après un bain de pieds, une perfusion, des pansements et des médicaments... il n'a pas de soucis à se faire pour ces doigts de pieds. On prend en photos les 4 éclopés (une main brûlée, des pieds gelés, 2 entorses à la cheville, 1 entorse au genou) devant la pancarte "Urgence" de l'hôpital... et vous trouvez ça drôle ! Le Mont Blanc nous a donné une bonne leçon : on ne le fait pas en slip ! (Je pense que la leçon aurait pu être bien plus lourde).
Samedi 11, 20:00 : Une fondue à Chamonix, ça vous fait saliver ? Ben on ne fait pas nos compliments au restaurant Chinois/Savoyard dans lequel on est allé !
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Un raid riche d'enseignements ! |
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L'effet de groupe nous rend invincible en apparence
La non-présence d'un meneur qui indique les règles du jeu, peut se révéler catastrophique
La sous estimation des risques : c'est une course PD : Pas difficile, OK mais c'est de l'alpinisme au-dessus de 4000m...
Le doute issu de la confiance limitée aux compagnons de cordée
Le fait que l'on pense toujours que ça n'arrive qu'aux autres
Ca ne va pas m'empêcher de refaire de la montagne. Mais je saurai, encore plus qu'avant, prendre le maximum de précaution.
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Le 13/06/2005 Gex des montagnes |
PS : Mes amis marseillais, on se retrouve quand vous voulez pour la Lance ou la vallée des merveilles... mais pas pour de la haute montagne !
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